Corps, 2005

Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-Roi, 2008

Pièces

par Lydia Harambourg

texte paru dans La Gazette Drouot

Les mises en pièces

Le fragment est au cœur de la démarche d’Agnès Lévy. Fragment du corps, fragments anatomiques – visage, membres, main, nez, oreilles, yeux -, fragment d’une possession toujours aléatoire, le face à-face est irréversible. Le sujet chute. S’emparant de l’espace, chaque motif se met en abîme. Son attente est dans le désir d’un ordre plastique. Nulle anecdote, nulle narration. La question est ailleurs, elle est d’ordre dialectique, dans l’interrogation des volumes, des tensions, des rythmes. Longtemps, elle a recouru à de grandes bâches détrempées. Le papier — en provenance de Corée —, choisi avec soin, offre lui aussi un champ infini libéré de toute perspective. Les nus, puis les torses, les visages divisés, renversés sont des morceaux extatiques, magnifiés. Juxtaposés, punaisés sur le mur, ils reconstituent un corps démembré. Soustraction et addition pour un tout corporel. Les peintures d’Agnès Lévy fonctionnent comme les stances d’un long poème du corps. Corps du danseur, corps au repos, corps mort. Aux mouvements succède la suspension, à la force la vulnérabilité. Attitudes et postures sont suspendues par une ligne énergique. C’est comme si Agnès Lévy pratiquait un énervement. La couleur glisse, indépendante sur les fonds. La vie semble s’éloigner, et nous parcourons ce labyrinthe corporel à la recherche de son unité perdue et retrouvée.

• Bibliothèque Aragon, 14, rue Waldeck-Rousseau, 94600 Choisy-le-Roi. Jusqu’au 29 novembre.

GAZETTE DE L’HÔTEL DROUOT – 21 NOVEMBRE 2008 – ~ 40