Olivier et montagne, Skyros, 2023

Dahlias

Peintures, dessins, monotypes  2012 / 2023

Dans son jardin clos de Marcillé, mon amie Luce Pénot entretient avec soin quatre longues rangées de dahlias cactus flamboyants, jaune, fuchsia, vermillon ou rouge sombre qui fleurissent de juin à fin octobre. 
Elle les assemble tous les jours en gros bouquets charnus, et durant l’été 2012 je me suis mise à les dessiner avec frénésie dans un grand carnet Sennelier. J’ai d’abord utilisé mes aquarelles japonaises en peignant les dahlias non dans leurs vases débordants mais en couvrant le papier en all over, pressée par la courte vie de la fleur coupée. 
Les dahlias cactus sont fragiles mais généreux, ébouriffés, vivants. Comme celle des oursins ou des cactées, leur forme répond à mon attirance pour le tracé d’éléments aigus et nerveux mais s’ajoute ici le plaisir de faire éclater la couleur.  De retour dans mon atelier, j’ai prolongé le thème sur des feuilles ou des carnets leporello, en mêlant à l’encre de Chine des tons de rose carthame, rose pâle ou orangé. 
À l’occasion d’une résidence au Musée Jenisch Vevey en novembre 2022, j’ai réalisé sous les yeux des visiteurs des estampes avec des dahlias artificiels merveilleusement reproduits que j’avais apportés avec moi, et j’ai pu dessiner leurs pétales parfois courbes, parfois déchiquetés. 
C’est avec la même jubilation que dans une série récente j’ai à nouveau décliné leur explosion silencieuse en grands monotypes de couleur et noir et blanc, sur des papiers chinois imprimés ou des fonds préalablement peints. 
La sève en circulation dans ces plantes ne produit pas, comme dans les arbres que je peins souvent, la rugosité d’une écorce résistante mais la délicatesse d’une membrane éphémère. L’exubérance de la forme contraste avec la fragilité du dahlia, qui veut séduire par tous les moyens mais risque sa vie à chaque floraison. Je travaille à lui donner du temps.

Agnès Lévy, 1er mars 2023