Exposition Rimbaud, Catalogue, 2022

Musée Arthur Rimbaud

Maison des Ailleurs Charleville-Mézières

Juin-octobre 2022

 

par Zoé Monti

Catalogue

En 2005, les éditions Textuel et France Loisirs commandent à Agnès Lévy une série de peintures pour accompagner une édition commentée des Œuvres complètes de Rimbaud. Elles sont photographiées et reproduites en couleurs dans le livre. Dans l’exposition, nous avons choisi de montrer les peintures originales.

Le corps est omniprésent dans la poésie de Rimbaud ; c’est aussi une thématique prédominante dans l’oeuvre peinte d’Agnès Lévy.

Des poings aux reins, des mains aux seins, des oreilles jusqu’aux orteils, il n’est guère une partie du corps que Rimbaud n’ait citée. Du corps extérieur, matériel, on pénètre vite l’intériorité : viennent l’estomac, les tripes, les « monceaux d’entrailles » mais aussi le squelette et sa « chemise de peau ». Ce « cher corps », vite formé, est bientôt déformé : « le sang chante, les os s’élargissent ». Il se métamorphose jusqu’à ce que « des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes » (« Being Beauteous »). Le corps, chez Rimbaud, à la sexualité fluide, à l’identité de genre incertaine, oscille sans cesse entre la grâce et le monstrueux. Rimbaud prône l’avènement d’un « nouveau corps amoureux », sensuel et érotique, aux couleurs de la vie.

Chez Agnès Lévy, le corps, masculin, morcelé, torse, oreilles, pieds, est à la fois sujet et objet, forme et matière, prétexte et contexte, motif et couleur. L’expressivité du dessin et l’intensité de la couleur incarnent la vitalité qui circule dans les poèmes, sa vigueur. Son trait est à la fois veines et peaux, tissus de chair et de sang ; il cerne le désir contenu et souligne la vie débordante. Écorchés ou écorcés ? Les corps sans tête ni jambe, torse-tronc, mi-homme, mi-arbre. Un ici et maintenant du corps, sans ailleurs. La Nature est charnelle et sensuelle, autant que le corps est végétal et sauvage. Là où commence l’un finit l’autre, et inversement. Une symbiose s’opère qui englobe l’artiste à son tour. Car elle-même « fait corps avec l’œuvre ».