Les oliviers, Skyros, Agios Fokas, 2020

Marcillé

Peintures et dessins 2013 / 2022

J’ai découvert Marcillé à l’été 2005 sur l’invitation de mon amie Luce Pénot et éprouvé un choc visuel devant cet espace créatif et construit, avec des arbres immenses, des bois et leurs sous-bois fleuris, un étang, des prés, des chemins traversant de hautes herbes, des haies de charmille circulaires, des allées plantées de palmiers, de saules, de pins laricio, un potager qui abritait des dahlias et des pivoines…

Gérard Pénot avait acquis ce lieu en Anjou après la longue recherche d’un beau terrain arboré pour y créer des pépinières d’arbres. Marcillé était un parc agricole datant de 1850, à l’abandon depuis 25 ans, avec un
petit château en ruines. Il répondait à son projet de concevoir un nouveau parc en accord avec le passé. Il s’est agi de s’occuper des bois, de planter des arbres d’essence et d’âge variés, de faire des pépinières une activité économique et de réhabiliter les communs du château en un lieu de travail.

J’ai séjourné régulièrement dans ce lieu et commencé à y dessiner et peindre durant l’été 2013. Dans une serre transformée en atelier, j’ai réalisé une série de croquis et de peintures de dahlias coupés et de bûches collectées dans le parc. Je les ai ensuite retravaillés dans mon atelier parisien pour les prolonger, et en faire également un ensemble de monotypes.

Trois ans plus tard j’ai osé changer d’échelle et fait le choix d’une allée où s’alignaient des palmiers de l’Himalaya. Dressés dans la lumière d’été, ils projetaient des ombres différentes à chaque heure du jour sur un sol qui est devenu pour moi un véritable terrain de peinture. En gardant le même point de vue et le même format de papier, mes grands godets d’aquarelle japonaise disposés sur des tables face à ce paysage, je me suis consacrée à ces palmiers une année entière, avec pour résultat une longue série où les lumières et les couleurs varient avec les saisons.
Deux ans après, je me suis intéressée aux énormes chênes dispersés dans le parc dont les fûts évoquaient des corps, ce qui m’a reliée à la longue période où j’avais travaillé le sujet des torses masculins. La technique était différente. Installée à courte distance, j’ai commencé avec des aquarelles et des gouaches mais j’ai vite constaté que pour ce sujet dense et fort il fallait de l’huile. Et pendant trois années, été comme hiver, j’ai peint de grands formats, ce qui fut comme un corps à corps avec ces chênes aux troncs noueux.
En février dernier, j’ai été attirée par les branches d’osier raides et jaune vif des saules alignés au bord de l’eau, qui deviennent ébouriffés et feuillus au printemps et j’ai entrepris une nouvelle série entre ciel et eau avant de revenir aux exubérants dahlias cactus de Luce.

Marcillé est un atelier en pleine nature qui m’invite à déployer les expériences. Je me suis attachée à ce paysage clos immense. Il résonne avec la campagne de mes vacances dans l’exploitation agricole de mes grands-parents, moments d’enfance protégés et libres en même temps, où tout était possible.

Agnès Lévy, janvier 2023