Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-roi, 2008

Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-roi, 2008

Sur des bâches détrempées ou des draps teints, sur de grandes feuilles surimposées, au moyen de collages juxtaposés, Agnès Lévy a longtemps jeté ses motifs: rochers ou cactées, têtes cornues de taureau ou de gnou, fragments d’anatomie autour du sujet emblématique, corps masculin célébré à fleur de toile et de peau pour un rituel à jamais inaugural. « Pas de belle surface, sans effroi de la profondeur », écrit Nietzsche. Dans un corps à corps énigmatique, Agnès Lévy s’emploie à ériger un ordre plastique vivifié par la couleur, rappelé au temps charnel…

Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-Roi, 2008

Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-Roi, 2008

Le fragment est au cœur de la démarche d’Agnès Lévy. Fragment du corps, fragments anatomiques – visage, membres, main, nez, oreilles, yeux -, fragment d’une possession toujours aléatoire, le face à-face est irréversible. Le sujet chute. S’emparant de l’espace, chaque motif se met en abîme. Son attente est dans le désir d’un ordre plastique.

Galerie Thierry Marchand, Paris 2008

Galerie Thierry Marchand, Paris 2008

Thierry Marchand présente « Torses », une exposition du travail en cours d’Agnès Lévy. Ce sont des corps amples, peints sur des papiers tout à fait extraordinaires, venant de Corée. Une série de corps, sans que le haut n’apparaisse et, néanmoins, ceci explique cela, comme autant de visages ; des torses où se cristallisent à l’usage un seul noir et blanc très profond ou l’addition d’une teinte dressée à plat, « plus augustes et plus mystérieux, comme l’écrit l’auteur du Temps retrouvé, que l’empreinte laissée sur la terre par le pas d’un géant »…

Galerie Nathalie Gaillard, 2006

Galerie Nathalie Gaillard, 2006

Agnès Lévy axe son travail pictural sur le corps. Ces fragments Torse, bras, torse et sexe, oreille sont ceux d’un discours entrepris depuis plusieurs années. L’artiste présente aujourd’hui ses ceuvres récentes, dont la majorité s’inscrit autour d’un dialogue qu’elle a mené avec Rimbaud. Chez Agnès Lévy, d’une exigence absolue, il était tentant d’ affronter les mots par la couleur et le dessin. À aucun moment il ne fut question pour elle de recourir à la narration et à l’illustration, restrictives, mais bien au contraire de coller à la musique du vers, à son contenu.

Rimbaud, l’œuvre, 2005

Rimbaud, l’œuvre, 2005

La visite de l’atelier d’Agnès Lévy vous laisse habité pour longtemps par l’énergie exceptionnelle de son œuvre, charnelle, intense. Elle peint sur de grandes toiles ou de grandes bâches. Elle peint et dessine aussi sur papier, découpe, colle… C’est une fabrique. Une fabrique oà la couleur est utilisée à profusion : huile, acrylique, pigments, fusain, pastel… 

Nouveaux Regards, 2005, Entretien

Nouveaux Regards, 2005, Entretien

Nouveaux Regards : Le corps joue un rôle essentiel dans votre travail aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
Agnès Lévy : C’était déjà vrai hier, mais d’une autre façon. Ce qui m’intéresse, c’est effectivement de montrer les corps. Mais pas de n’importe quelle façon. Je délaisse l’aspect narratif. Je m’éloigne du récit. Même lorsque j’ai travaillé le livre sur Rimbaud, je me suis écartée de toute idée d’illustration. En réalité, le corps comme sujet de mon travail s’est imposé à moi et aujourd’hui, le corps comme sujet et comme thème me paraît absolument essentiel.

Prix Maratier-Kikoïne pour la Fondation Pro-MAHJ, 2003

Prix Maratier-Kikoïne pour la Fondation Pro-MAHJ, 2003

Des grands torses d’hommes, colorés, de toutes les couleurs. Tranquilles, très tranquilles, et en même temps bruyants par la couleur, l’éclat des couleurs. Présents, attirants. Un homme est là. En mouvement, bien qu’immobile. Sa présence, son corps. Comment un corps vous attrape, vous prend. Couleur et couleur et couleur. Une sensualité éclatante, solaire, sidérante.
Est-ce qu’on pense tout de suite que ces torses sont sans tête, décapités ? On le voit, on l’a vu, on le sait. On n’y pense pas vraiment, il y a un calme…

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Ce sont des tableaux spectaculaires peints sur des draps teintés ou de grandes bâches : des corps ou des séries de corps, tête en bas mais sans que celle-ci n’apparaisse et, néanmoins, ceci explique cela, comme autant de visages ou de faces.
Tout cela est peint dans un noir très profond – Le modèle (un danseur) a encore dans l’oreille, nous dit-il, le bruit du fusain…

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Le pas du corps, ce pas du corps immobile qui veut aussi que cela ne marche pas alors que, terriblement, presque insensiblement, il avance ou s’avance vers ce qui serait moins un espace qu’une zone nue – une nudité enfin inversée.
Inversion plus profonde que le renversement – du haut en bas. Ici, dans les dessins d’Agnès Lévy, à la différence (peut-être) de certaines toiles de Baselitz…

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Le travail d’Agnès Lévy commence hors de l’atelier, dans la rue. Avant que la main n’intervienne, équipée de fusains, ou de crayons gras, il y a le moment de la marche. Arpentant les trottoirs, l’artiste abandonne son regard aux choses, et se laisse investir par les matériaux, leur texture, leur couleur. Durant cette déambulation, le rêve double la perception et le temps reste suspendu au repli du futur sur le présent. La peinture poursuit son œuvre, dans les limbes de la conscience…

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002

Comment es-tu venue à ces dernières toiles peintes sur des bâches ?
En vérité, à un moment donné, je n’avais plus envie de travailler sur le corps. D’abord parce que j’avais beaucoup abordé ce sujet-là jusqu’aux immenses toiles pour les chorégraphies de François Raffinot…