Dahlias
Dans son jardin clos de Marcillé, mon amie Luce Pénot entretient avec soin quatre longues rangées de dahlias cactus flamboyants, jaune, fuchsia, vermillon ou rouge sombre qui fleurissent de juin à fin octobre.
Elle les assemble tous les jours en gros bouquets charnus, et durant l’été 2012 je me suis mise à les dessiner avec frénésie dans un grand carnet Sennelier…
Skyros
Je dessine ou je peins toujours d’après nature, peu importe le sujet, un corps, un arbre, un paysage, une fleur. C’est un choix et une nécessité. Je m’appuie sur le réel qui provoque chez moi des sensations puissantes et un impérieux désir de peindre.…
Marcillé
J’ai découvert Marcillé à l’été 2005 sur l’invitation de mon amie Luce Pénot et éprouvé un choc visuel devant cet espace créatif et construit, avec des arbres immenses, des bois et leurs sous-bois fleuris, un étang, des prés, des chemins traversant de hautes herbes, des haies de charmille circulaires, des allées plantées de palmiers, de saules, de pins laricio, un potager qui abritait des dahlias et des pivoines…
Ce qui reste de la ressemblance
Ce qui reste de la ressemblance, février 2021 par Jean Cartier-Bresson --- Entretien ---Jean Cartier-BressonÀ la suite des corps et des végétaux, le tronçon d’un tronc de chêne ou des oliviers noueux et ondulants te permettent deux nouvelles séries travaillées de...
Notes sur les carnets à plis
Depuis plusieurs années je travaille essentiellement la nature et le paysage en présence du motif, le plus souvent à taille réelle. A l’été 2009, j’ai découvert le Pachypodium bispinosum (« pied épais »), un arbuste des milieux désertiques dont la conformation singulière allie les caractères de la roche à ceux de la végétation…
Notes de travail autour du corps
J’ai commencé à travailler autour du corps avec et par la couleur. J’ai choisi des modèles masculins assis puis relevés, dénudés ensuite puis sans tête et sans membres. Car c’est le corps qui est prétexte à peindre, je ne traite pas la tête qui est un autre sujet. C’est au « regardeur » de la transcrire…
Espace Topographie de l’Art, Paris 2019
Je me suis totalement consacrée à la peinture en 1985.
Je travaille en présence du motif, souvent à taille réelle.
Dans un premier temps, j’ai passé de nombreuses années à explorer le corps, et son intériorité, en présence de modèles choisis, souvent des danseurs, principalement masculins, sur de très grands formats, aux pastels secs, au fusain ou à l’huile sur des rouleaux de papier, des toiles ou des bâches…
Reid Hall / Tschann Libraire, Paris 2018
Tschann Libraire, avec le concours de Reid Hall*, est très heureux d’accueillir jusqu’au 12 mai 2018, Agnès Lévy.
Le cadre intimiste et retiré de la grande salle de Reid Hall éclate sous les pinceaux et les brosses d’Agnès Lévy. Son travail sur les corps est connu et commenté par nombre d’écrivains ou de critiques. Gageons que cette exposition offrira à celles et ceux que l’incertaine limite entre l’animal et le végétal attire , un chemin vers sa peinture…
Reid Hall / Tschann Libraire, Paris 2018
Tell me about your next exhibition. What works will be you showing?
I decided to unite several periods. The alleys of palm trees, which is the most recent work, was started in 2016, and is finished for the moment: the same landscape in different seasons, created in situ. I matched them with monotypes, embodying the logs that come from the trees of this landscape. And also using the Leporello sketchbooks, concertina sketchbooks, on which I worked in oil for several years beginning in 2010, on plants from the cactus family, Pachypodiums, and other succulents…
Reid Hall / Tschann Libraire, Paris 2018
A. T. : Parle-moi de ta prochaine exposition. Quelles oeuvres vas-tu présenter ?
A. L. : J’ai décidé d’associer plusieurs périodes. Les allées de palmiers, qui est le travail le plus récent, commencé en août 2016 et terminé, pour l’instant : un même paysage, à différentes saisons, réalisé in situ. J’y associe des monotypes, réalisés à partir de bûches, issus d’arbres de ce même paysage. Et également des carnets Leporello, carnets à plis, sur lesquels j’ai travaillé à l’huile pendant plusieurs années à partir de 2010, sur des plantes de la famille des cactées, des pachypodium, et toutes sortes d’autres plantes succulentes…
Coloured Plates, 2018
Rimbaud n’a pas fait que colorier les voyelles. Dans Le Bateau ivre, les peaux sont rouges, les poteaux de couleur, l’eau verte, les vins bleus, les azurs verts, les amours rousses, les figements violets, la nuit verte, l’éveil jaune et bleu, les troupeaux glauques, les soleils d’argent, les golfes bruns, les parfums noirs, les flots bleus, les poissons d’or, les ventouses jaunes, les yeux blonds, les brumes violettes, les morves d’azur, les hippocampes noirs, les cieux ultramarins, les immobilités bleues, la flache noire.
Carnet Leporello n°18, 2017
Quatorze fois Pachypodium bispinosum comme Monet peint quatorze fois une cathédrale. Et il y a d’autres carnets, d’autres planches consacrés à cette plante ou d’autres parmi les cactées et apparentées qui, en été, bordent le balcon de l’atelier de l’artiste et le devant de sa grande baie vitrée, retournant à l’intérieur dans les coins au fond quand il ne fait plus beau. Pachypodium. Pied épais. Plus exactement, une tige qui se renfle comme une outre quand elle sort de terre pour former un réservoir d’eau que la plante renforce en faisant du bois autour de son écorce pour se protéger du milieu semi désertique et pierreux de la Province du Cap en Afrique du Sud…
Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-roi, 2008
Sur des bâches détrempées ou des draps teints, sur de grandes feuilles surimposées, au moyen de collages juxtaposés, Agnès Lévy a longtemps jeté ses motifs: rochers ou cactées, têtes cornues de taureau ou de gnou, fragments d’anatomie autour du sujet emblématique, corps masculin célébré à fleur de toile et de peau pour un rituel à jamais inaugural. « Pas de belle surface, sans effroi de la profondeur », écrit Nietzsche. Dans un corps à corps énigmatique, Agnès Lévy s’emploie à ériger un ordre plastique vivifié par la couleur, rappelé au temps charnel…
Centre d’Arts Plastiques de Choisy-le-Roi, 2008
Le fragment est au cœur de la démarche d’Agnès Lévy. Fragment du corps, fragments anatomiques – visage, membres, main, nez, oreilles, yeux -, fragment d’une possession toujours aléatoire, le face à-face est irréversible. Le sujet chute. S’emparant de l’espace, chaque motif se met en abîme. Son attente est dans le désir d’un ordre plastique.
Galerie Thierry Marchand, Paris 2008
Thierry Marchand présente « Torses », une exposition du travail en cours d’Agnès Lévy. Ce sont des corps amples, peints sur des papiers tout à fait extraordinaires, venant de Corée. Une série de corps, sans que le haut n’apparaisse et, néanmoins, ceci explique cela, comme autant de visages ; des torses où se cristallisent à l’usage un seul noir et blanc très profond ou l’addition d’une teinte dressée à plat, « plus augustes et plus mystérieux, comme l’écrit l’auteur du Temps retrouvé, que l’empreinte laissée sur la terre par le pas d’un géant »…
Galerie Nathalie Gaillard, 2006
Agnès Lévy axe son travail pictural sur le corps. Ces fragments Torse, bras, torse et sexe, oreille sont ceux d’un discours entrepris depuis plusieurs années. L’artiste présente aujourd’hui ses ceuvres récentes, dont la majorité s’inscrit autour d’un dialogue qu’elle a mené avec Rimbaud. Chez Agnès Lévy, d’une exigence absolue, il était tentant d’ affronter les mots par la couleur et le dessin. À aucun moment il ne fut question pour elle de recourir à la narration et à l’illustration, restrictives, mais bien au contraire de coller à la musique du vers, à son contenu.
Rimbaud, l’œuvre, 2005
La visite de l’atelier d’Agnès Lévy vous laisse habité pour longtemps par l’énergie exceptionnelle de son œuvre, charnelle, intense. Elle peint sur de grandes toiles ou de grandes bâches. Elle peint et dessine aussi sur papier, découpe, colle… C’est une fabrique. Une fabrique oà la couleur est utilisée à profusion : huile, acrylique, pigments, fusain, pastel…
Nouveaux Regards, 2005, Entretien
Nouveaux Regards : Le corps joue un rôle essentiel dans votre travail aujourd’hui. Pourquoi ce choix ?
Agnès Lévy : C’était déjà vrai hier, mais d’une autre façon. Ce qui m’intéresse, c’est effectivement de montrer les corps. Mais pas de n’importe quelle façon. Je délaisse l’aspect narratif. Je m’éloigne du récit. Même lorsque j’ai travaillé le livre sur Rimbaud, je me suis écartée de toute idée d’illustration. En réalité, le corps comme sujet de mon travail s’est imposé à moi et aujourd’hui, le corps comme sujet et comme thème me paraît absolument essentiel.
Prix Maratier-Kikoïne pour la Fondation Pro-MAHJ, 2003
Des grands torses d’hommes, colorés, de toutes les couleurs. Tranquilles, très tranquilles, et en même temps bruyants par la couleur, l’éclat des couleurs. Présents, attirants. Un homme est là. En mouvement, bien qu’immobile. Sa présence, son corps. Comment un corps vous attrape, vous prend. Couleur et couleur et couleur. Une sensualité éclatante, solaire, sidérante.
Est-ce qu’on pense tout de suite que ces torses sont sans tête, décapités ? On le voit, on l’a vu, on le sait. On n’y pense pas vraiment, il y a un calme…
John Berger, 2002
Extrait du livre "G" dédicacé de John Berger, aux éditions de l'Olivier
Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002
Ce sont des tableaux spectaculaires peints sur des draps teintés ou de grandes bâches : des corps ou des séries de corps, tête en bas mais sans que celle-ci n’apparaisse et, néanmoins, ceci explique cela, comme autant de visages ou de faces.
Tout cela est peint dans un noir très profond – Le modèle (un danseur) a encore dans l’oreille, nous dit-il, le bruit du fusain…
Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002
Le pas du corps, ce pas du corps immobile qui veut aussi que cela ne marche pas alors que, terriblement, presque insensiblement, il avance ou s’avance vers ce qui serait moins un espace qu’une zone nue – une nudité enfin inversée.
Inversion plus profonde que le renversement – du haut en bas. Ici, dans les dessins d’Agnès Lévy, à la différence (peut-être) de certaines toiles de Baselitz…
Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002
Le travail d’Agnès Lévy commence hors de l’atelier, dans la rue. Avant que la main n’intervienne, équipée de fusains, ou de crayons gras, il y a le moment de la marche. Arpentant les trottoirs, l’artiste abandonne son regard aux choses, et se laisse investir par les matériaux, leur texture, leur couleur. Durant cette déambulation, le rêve double la perception et le temps reste suspendu au repli du futur sur le présent. La peinture poursuit son œuvre, dans les limbes de la conscience…
Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002
Comment es-tu venue à ces dernières toiles peintes sur des bâches ?
En vérité, à un moment donné, je n’avais plus envie de travailler sur le corps. D’abord parce que j’avais beaucoup abordé ce sujet-là jusqu’aux immenses toiles pour les chorégraphies de François Raffinot…
Fondation d’Entreprise Coffim, Paris 2002
Agnès Lévy a élu le corps comme matériau privilégié à sa réflexion plastique. Un travail qu’elle a mené avec le danseur/modèle Franck Picard et qui se concrétise avec une chorégraphie créée par celui-ci. Dans cette prestation dont la vidéo assure le relais tout au long de l’exposition, se juxtaposent les deux approches corporelles, celle du peintre tentant de ravir la beauté plastique en mouvement et celle du danseur dont la chorégraphie achoppe directement sur sa propre expérience.
Cloître des Dames Blanches, La Rochelle 1997
Discrètement, toujours sans se faire connaître, Agnès Lévy est venue à plusieurs reprises dans « l’escalier » dit de la Girafe observer et s’inspirer des collections de têtes animales, les massacres de bovidés et cervidés africains.
Quand on sait que dans ses oeuvres antérieures elle a plutôt célébré le corps humain tels les sculpturaux portraits du carnet Hermès ou tels les corps en mouvement peints pour la chorégraphie de François Raffinot, on ne peut qu’être surpris.
Cloître des Dames Blanches, La Rochelle 1997
Notre rencontre s’est faite par les images du corps, par la volonté de s’en tenir à ça, s’en tenir au corps non plus sujet ou objet, mais au corps comme terrain ou plutôt comme terreau par lequel et sur lequel se fixe la peinture, et puis, au moment où toutes les images s’effondrent sous leurs propres poids, au corps dans ce trou noir du monde comme dernière lumière dans un ciel éteint…
Cloître des Dames Blanches, La Rochelle 1997
Plier la mort
la plier et la déplier
lui mettre des cornes
des grandes dents
et de la couleur
vieil animal
la gueule sourit
à cause du bleu
à cause du rouge
Cloître des Dames Blanches, La Rochelle 1997
Agnès Lévy était ma voisine du dessus. C’étaient des ateliers empilés l’un sur l’autre comme ces boîtes, pourvus de grandes verrières. J’écrivais les pieds sur une table basse un roman sur une femme égyptienne aux hanches si larges qu’elle tenait prisonnier dans sa matrice un peuple entier. Je rencontrais Agnès dans l’escalier, il y avait entre nous quelques allusions pudiques sur la difficulté d’ écrire, la difficulté de peindre…
Hermès Tokyo, 1996
Merci Agnès Lévy
Nous avons en nous, bien dissimulées, toutes les énergies,
toutes les vibrations, toutes les couleurs, toute la vie de
la Terre. Le talent d’un peintre en facilite la découverte.
Il transpose sur la toile le voyage qu’il fait en nous regardant.
Galerie Philippe Gand, Paris 1991
Les corps dessinés par Agnès Lévy exhibent la puissance créatrice de l’affect. Assis, allongés, rétractés, exposés, offerts ou abandonnés, ils jouent avec les postures afin de briser les résistances que l’humain rencontre dans ses os et ses articulations. Le corps se cherche et il tourne sur lui-même. Il veut la beauté, l’équilibre, mais il trouve l’excès dans des lignes qui enflent et se tordent ; il veut la force, mais il trouve la Consomption dans un estomac qui se creuse sous les côtes…
Galerie James Mayor, Paris 1986
Au salon de Montrouge l’an dernier, mon attention fut attirée par le regard direct d’une femme noire, un regard qui semblait demander une plus ample connaissance. Cette première rencontre avec les pastels d’Agnès Lévy me conduisit à de nombreuses visites à son atelier du bout de la rue de Charenton, une sorte de quartier off-Bastille, quelque part derrière les voies du TGV. La première exposition personnelle de Lévy est l’aboutissement de ces visites.